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2 décembre 2017 6 02 /12 /décembre /2017 11:22

 

 

J'ai souvent parlé de déflation sur ce blog ces dernières années, mais il m'a semblé utile de revenir aujourd'hui sur le phénomène opposé : l'inflation. En effet, si la plupart des gens comprennent que la Banque centrale européenne (BCE) a pour mission principale la stabilité des prix, ils se demandent souvent pourquoi l'objectif d'inflation est de 2 % et non 0 % comme on pourrait s'y attendre. C'est tout l'objet de ce billet !

 

La mission de la BCE

 

L’article 127, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit l’objectif principal de l’Eurosystème :

 

« L’objectif principal du Système européen de banques centrales [...] est de maintenir la stabilité des prixSans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne. Le SEBC agit conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes fixés à l'article 119 ».

 

Autrement dit, la BCE part du postulat que l'économie de marché où règne une concurrence libre est un modèle d'efficacité et prospérité vers lequel il faut tendre, et que l'un des moyens d'y arriver et de lutter contre l'inflation (hausse généralisée des prix) et la déflation (baisse généralisée des prix). Plus précisément, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne vise à maintenir l’inflation à des taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme.

 

L'inflation dans la zone euro

 

Le graphique ci-dessous montre que le taux d'inflation au sein de la zone euro a reculé entre 2011 et 2015, au point de laisser entrevoir le risque d'une déflation. Mais depuis 2016, il repart de nouveau à la hausse (certes assez faiblement et manque par conséquent l'objectif des 2 %), en raison d'une petite embellie économique, d'un faible relâchement de l'austérité dans plusieurs pays et d'une politique monétaire ultra-accommodante (taux d'intérêt très bas, quantitative easing).

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

En regardant en coupe, pays par pays, il apparaît que la zone euro est constituée de d'économies hétérogènes, ce qui complique sérieusement la mise en œuvre d'une politique monétaire unique pour ces 19 pays :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

L'inflation en France

 

En France aussi le taux d'inflation reste bien en deçà de la barre des 2 % et ne progresse guère qu'au rythme des accélérations des prix de l'énergie et des services :

 

 

[ Source : INSEE ]

 

Pourquoi la BCE vise-t-elle un taux d'inflation de 2 % ?

 

La BCE surveille bien entendu le taux d'inflation totale, mais également le taux d'inflation sous-jacente, qui exclut les prix des produits les plus volatils comme l'énergie et dépend des hausses de salaires. Or, pour l'instant l'évolution de ces derniers est bien trop sage au sein de la zone euro :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

D'où une inflation sous-jacente inférieure à 1,5 % en taux :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

C'est pourquoi Mario Draghi se refuse pour l'instant à resserrer trop fortement la politique monétaire. Mais pourquoi viser à moyen terme un taux d'inflation totale proche de 2 % et pas 0 % ? Tout d'abord, un taux d'inflation trop faible peut très vite déboucher sur un risque de déflation, c'est-à-dire de baisse généralisée et auto-entretenue des prix. Et face à cette spirale déflationniste, les Banques centrales ne peuvent plus user du taux d’intérêt, d’autant qu’ils sont souvent déjà très bas, et l’économie peut alors très vite entrer en dépression. Viser 2 % d'inflation représente en quelque sorte un matelas que s'accorde la BCE pour éviter la déflation, phénomène contre lequel elle est bien démunie lorsqu'il se matérialise.

 

De plus, avec un peu d'inflation, les taux d'intérêt seront plus élevés, ce qui offre la possibilité de les baisser en cas de crise. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Banque centrale américaine (Fed) se dépêche de remonter ses taux d'intérêt directeurs à défaut d'attendre que l'inflation le fasse, afin de faire quelques réserves de cartouches pour la prochaine crise, car il est à peu près acquis que les États-Unis sont très proches du haut de leur cycle et qu'un ralentissement est à envisager sérieusement...

 

En outre, si l'on part de l'hypothèse très souvent vérifiée que les salaires nominaux (et la plupart des prix nominaux du reste) sont difficiles à faire baisser, alors un faible taux d'inflation globale ne permet pas de faire baisser les salaires et les prix réels, ce qui complique grandement les ajustements sur les marchés.

 

Enfin, si l'on revient un instant à l'inflation sous-jacente, une faible évolution de celle-ci peut conduire au recul des prix industriels, car ils augmentent en général moins vite que ceux des services. Ce serait évidemment une très mauvaise nouvelle si l'industrie voyait ses prix reculer au moment où tout le monde s'active pour en sauver quelques restes, puisque cela signifierait une baisse du chiffre d'affaires et partant des difficultés en matière d'investissement et d'emplois.

 

En définitive, contrairement à l'intuition qui voudrait que l'objectif de stabilité des prix se traduise par un taux d'inflation nul, la Banque centrale vise plutôt un taux inférieur mais proche de 2 % à moyen terme, afin d'éviter le risque de déflation contre lequel elle est bien démunie. Hélas, la politique non conventionnelle mise en place par la BCE pour y parvenir contient également en germe la prochaine crise...

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24 novembre 2017 5 24 /11 /novembre /2017 12:43

 

 

S'il y a un sujet qui attise les oppositions de principe, c'est bien celui de la dette publique. J'ai encore eu l'occasion de m'en rendre compte dernièrement lors d'une conférence fort intéressante, mais où les avis sur la question étaient bien tranchés... Le billet d'aujourd'hui sera donc consacré à la monétisation des dettes publiques via l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) de la BCE. Il s'agira surtout de montrer pourquoi les Allemands en ont fait un chiffon rouge, au moment où rien ne va plus chez eux sur le plan politique et où l'Europe se désagrège sans que personne n'y prête attention...

 

La dette publique au sein de la zone euro

 

Commençons par ce graphique, qui en dit plus qu'un long texte :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Ainsi, à la fin du premier trimestre 2017, le ratio de la dette publique par rapport au PIB s'est établi à 89,5 % dans la zone euro, ce qui démontre au passage que sauf à espérer le retour d'une croissance fulgurante ou une inflation très forte, la question des dettes publiques ne pourra se régler que par une annulation partielle de celles-ci.

 

Mais chut ! Ne gâchons pas le travail des chargés de communication, qui se démènent afin de nous rassurer sur la pérennité d'un monde qui marche pourtant sur la tête avec des taux d'intérêt négatifs, une monnaie unique laissée en roue libre, une liquidité surabondante entraînant la formation de bulles, etc.

 

La dynamique de la dette publique

 

Fondamentalement, la dynamique de la dette publique dépend de son niveau et du différentiel (taux d'intérêt réel - taux de croissance). Et c'est peu dire que les dernières années, les États ont pu profiter de la politique ultra-expansionniste menée par la BCE, qui s'est traduite par une baisse des taux d'intérêt à long terme sur la dette publique et en tout état de cause une croissance (même très faible) supérieure aux taux d'intérêt, rendant supportable même des niveaux d'endettements publics très élevés comme en Italie ou en Espagne.

 

Or, l'assouplissement quantitatif mené par la BCE a vocation à s'arrêter un jour (prochain). À ce moment, si la hausse des taux d'intérêt fait craindre aux investisseurs un niveau insupportable du remboursement de la dette publique dans le budget des États, alors se déclenchera une nouvelle crise de la dette publique au sein de la zone euro. En effet, si le taux d’intérêt à long terme devient supérieur au taux d’intérêt moyen sur la dette, le paiement des intérêts sur la dette publique augmentera.

 

Pour ceux que la technique intéresse, on peut montrer que l’excédent budgétaire primaire (c'est-à-dire hors remboursement de la dette publique) nécessaire pour stabiliser le taux d’endettement public est donné par la formule suivante :


Excédent budgétaire primaire = dette publique x (taux d’intérêt à long terme - taux de croissance), où la dette publique est exprimée en % du PIB.

 

La monétisation des dettes publiques

 

Pour solvabiliser des États en difficultés financières, la tentation est alors grande de monétiser leur dette publique, c'est-à-dire d'autoriser la Banque centrale à acheter les titres de la dette contre création monétaire, ce qui est interdit par les traités européens. D'où les cris d'orfraie des dirigeants politiques allemands, qui voient dans le Quantitative Easing une monétisation déguisée des dettes publiques de la zone euro.

 

La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe a ainsi de nouveau été saisie de la question de la conformité de l'assouplissement quantitatif avec les statuts de la BCE, comme ce fut déjà le cas pour d'autres programmes de la BCE comme l'OMT (achat par la BCE sur le marché secondaire d'obligations publiques d'États en difficulté). Systématiquement, la Cour de Karlsruhe renvoie la patate chaude à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui contorsionne autant que faire se peut les textes juridiques afin de ne pas déclarer le montage illégal.

 

Mais les Allemands ont-ils raison de dire que la BCE monétise des dettes publiques ? En fait... oui ! Il suffit pour s'en convaincre de comprendre les coulisses de fonctionnement du quantitative easing. Tout d'abord, les Banques centrales des pays de la zone euro achètent des titres de dettes publiques en créant de la monnaie et touchent donc les intérêts sur ces titres. Or, les Banques Centrales des pays de la zone euro reversent leurs profits aux États, ce qui dans le cas présent signifie simplement que les paiements d’intérêts sur la dette publique faits par l’État à la Banque Centrale sont en fin de compte rendus par la Banques Centrale à l’État !

 

La boucle est bouclée ! Autrement dit, la dette publique est devenue gratuite pour l'État en question, ce qui correspond bien à une monétisation de la dette publique par la Banque centrale...

 

Avantages et inconvénients de la monétisation des dettes publiques

 

Certes la politique de taux d'intérêt bas a redonné du pouvoir d'achat aux emprunteurs. La monétisation des dettes publiques par la BCE aura, quant à elle, permis de solvabiliser les États en difficultés financières, donc d'éviter au moins à court terme, une nouvelle crise des dettes au sein de la zone euro. Mais le danger est grand que les gouvernements ne prennent pas ce mécanisme pour ce qu'il est, à savoir un répit pour engager les réformes nécessaires à la soutenabilité de leur dette publique. Les économistes parlent alors d'un risque d'aléa moral, pour décrire cette situation où les gouvernements pourraient être incités à mener des politiques budgétaires très expansionnistes (hausse des dépenses publiques ou baisses des impôts), puisqu'ils savent que la Banque centrale monétisera les dettes publiques. 

 

A contrario, la politique monétaire menée par la BCE aura conduit à un écrasement des primes de risque sur de nombreux titres de dettes, ce qui fausse la perception globale du risque de leur portefeuille par les investisseurs. Quant à toutes les liquidités créées, certes d'aucuns redoutent un retour d'une inflation monétaire forte, mais c'est oublier qu'elles auront surtout servi à créer des bulles sur les actifs en particulier sur l'immobilier et les actions, comme j'en avais parlé dans ce billet.

 

En définitive, il faut toujours se méfier de ces politiques monétaires menées au bazooka, car elles ont beaucoup d'effets pervers qui n'apparaissent que bien plus tard. Toujours est-il que par sa position sur la question, l'Allemagne rappelle qu'elle est pour une Europe des règles et non une Europe de la solidarité... Un message qu'Emmanuel Macron devrait comprendre !

 

P.S : l'image de ce billet provient du site www.innovationstory.fr

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16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 14:05

 

 

Après une série de billets consacrés plus spécifiquement à la France (le déficit extérieur de la France, le travail ravagé par la perte de sens, les idées zombies en économie), je reviens à l'Europe pour faire suite à un billet consacré aux conséquences de la concurrence mortifère au sein de l'Union européenne. En effet, au-delà de la baisse des salaires qui en résultera, je voudrais montrer aujourd'hui que cette lutte de tous contre tous au sein d'un espace économique ne fait qu'encourager les forces centrifuges qui poussent à l'éclatement de l'Union européenne.

 

Les précédents coups de semonce

 

Le vent de dégagisme qui a soufflé sur la France lors de l'élection présidentielle a débouché sur beaucoup d'amertume, tant les espoirs de changement furent grands et très vite déçus... du moins pour l'essentiel des citoyens ! Les élections législatives n'ont d'ailleurs fait que confirmer ce constat, dans la mesure où l'abstention a battu des records. Quoi qu'il en soit, l'élection d'Emmanuel Macron, pour peu convaincante qu'elle fût objectivement, n'a pas empêché certains de se persuader que la fièvre souverainiste qui avait touché l'Europe était retombée.

 

Il est vrai que l'élection de Donald Trump avait provoqué un vent de panique en 2016, laissant présager le retour en force partout dans le monde des politiques nationales honnies par la technocratie européenne... Mais tant que le mal restait cantonné de l'autre côté de l'Atlantique, les bien-pensants européens pouvaient continuer de présenter l'élection de Trump comme un simple accident dans l'histoire linéaire du progrès, qui allait très vite reprendre sa marche vers le fédéralisme et l'effacement des nations, dernière étape avant un village mondial unifié autour du tout économique, qui ferait passer le village planétaire de Marshall McLuhan pour un jardin d'Éden... 

 

Mais avant l'élection tonitruante de Trump, c'était le référendum sur le Brexit de juin 2016 qui avait mis le feu au lac, les citoyens du Royaume-Uni ayant voté pour quitter l'Union européenne :

 

 

[ Source : BBC ]

 

Géographiquement, en dehors de l'Écosse, l'Irlande du Nord et quelques métropoles comme Londres ou Liverpool, les autres zones ont voté pour la sortie de l'UE, parfois massivement :

 

 

[ Source : BBC ]

 

La ligne de fracture entre souverainistes et européistes

 

Comme nous l'avons déjà dit, l'élection d'Emmanuel Macron avait été présentée par nombre de commentateurs patentés comme le remède aux velléités populistes en Europe, étant entendu que pour eux populisme est à prendre dans le sens de souverainisme afin de mieux discréditer toute référence à la nation... Mais derrière le story-telling créé par les équipes de communication de Macron, qui vantait l'adhésion des Français au projet européen du nouveau président et à ses idées ultralibérales, la réalité reste bien plus dérangeante.

 

En effet, la ligne de fracture entre souverainistes et européistes, entre tenants d'un approfondissement de l'UE et contempteurs de cette Union-là, est devenue abyssale, comme le montre le graphique ci-dessous où j'ai additionné les voix qui se sont exprimées lors de l'élection présidentielle française pour des candidats critiques envers l'Union européenne ou la zone euro :

 

 

Et fin 2017, il n'y a que les menteurs ou les éternels optimistes panglossiens pour affirmer que la fièvre souverainiste tant redoutée est retombée depuis les discours, séparés, de Juncker et Macron sur l'avenir de l'Union européenne. Au contraire, le sentiment anti-européen, désormais conjugué à l'anti-immigration, l'ultranationaliste, la recherche identitaire et parfois même ouvertement la xénophobe, a le vent en poupe comme le montrent les résultats des élections dans de nombreux pays ces derniers mois, au Danemark (parti populaire danois), en République Tchèque (ANO), aux Pays-Bas (PVV) et même en Allemagne (AfD):

 

 

[ Source : Le Figaro ]

 

Il est donc simpliste d'y voir uniquement du populisme, car actuellement, force est de constater que ce sont même les partis traditionnels qui s'emparent de ces sujets généralement dévolus aux partis d'extrême gauche ou d'extrême droite. C'est le cas en Autriche, où Sebastian Kurz, chef de parti conservateur, est allé sans état d'âme chassé sur les terres de l'extrême droite en promettant de mener une politique anti-immigration. Le problème est que, ce faisant, on brouille encore un peu plus les cartes et la situation politique, puisqu'il devient très difficile de distinguer une politique souverainiste d'une politique populiste ou même pire...

 

Les velléités d'indépendance des régions

 

Comme si cela ne suffisait pas, voilà que les régions européennes souhaitent faire sécession !

 

 

[ Source : Le JDD ]

 

Certes la Lombardie et la Vénétie ont organisé des référendums sur l'indépendance/autonomie, mais c'est la Catalogne qui est allée le plus loin dans cette démarche :

 

 

[ Source : Le Figaro ]

 

À tel point que le gouvernement central espagnol a dû dégainer l'article 155 de la Constitution, qui lui permet de prendre la direction de la communauté autonome de Catalogne pour non-respect de la loi fondamentale :

 

 

[ Source : France Culture ]

 

Objectivement, il faudra bien un jour admettre à regret que l'air du temps n'est plus à la solidarité (constitutive de la société) mais à l'individualisme triomphant (constitutif des communautés sur Internet), de sorte qu'une lecture économique possible de ces référendums d'indépendance est que les régions riches ne souhaitent plus contribuer au financement des dépenses publiques des régions plus pauvres d'un pays, afin d'assurer un développement harmonieux d'un État. 

 

Faut-il d'ailleurs rappeler que le fédéralisme européen des États, pour l'instant marginal avec un budget européen réduit à 1 % du PIB, mais qui est à mon sens la voie de sortie par le haut du marasme européen actuel, nécessite des transferts des pays riches vers ceux plus pauvres de l'Union européenne sur la base notamment d'impôts dédiés ? Sinon, l'hétérogénéité structurelle des pays européens, qui débouche naturellement sur un creusement des inégalités de revenus entre pays, conduira à des différences de niveaux de vie insoutenables :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Quant à la croissance européenne, elle reculera certainement sous l'effet conjugué de la baisse de la consommation et de la chute des investissements dans les pays les plus pauvres, les pays riches ne souhaitant transférer ni leur épargne ni leur revenu, alors que c'est dans leur intérêt. Pourtant, à bien y réfléchir, il est difficile aujourd'hui d'imaginer le nouveau parlement allemand voter de son plein gré des transferts financiers vers la Grèce ou le Portugal, ce qui devrait doucher définitivement le fantasme d'un fédéralisme européen... 

 

Pour en revenir au niveau des régions, si de plus en plus d'entre elles font sécession, il faut s'attendre à une très forte augmentation des inégalités de revenus entre les régions au sein même des pays, à un moment où elles sont de plus en plus mal tolérées par l'opinion publique. De plus, si les régions riches ne contribuent plus au budget central de leur pays, alors on peut s'attendre à des tensions sur les finances publiques des États et conséquemment à une reprise de la spéculation sur le caractère soutenable des dettes publiques. Pour donner un ordre de grandeur, la contribution de la Catalogne au budget commun de l'Espagne s'élève à 9 milliards d'euros, tandis que celles de la Vénétie et de la Lombardie au budget italien s'élèvent respectivement à 22 et 60 milliards d'euros !

 

Et au bout du chemin se trouve le risque ultime de l’éclatement de la zone euro, dont je n'ai cessé de répéter qu'elle était plus qu'une option dans le contexte actuel.

 

N.B. : l'image de ce billet provient de cet article de l'Humanité.

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12 novembre 2017 7 12 /11 /novembre /2017 11:21

 

 

Dans mon précédent billet, je vous avais annoncé ma conférence qui aura lieu à l'UPT de Forbach ce mardi 14 novembre à 19h (durée 1h30). Le Républicain Lorrain l'a par ailleurs annoncée dans ses colonnes :

 

 

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

 

Cette conférence, intitulée La flexibilité va-t-elle permettre de faire baisser le chômage en France ?, ne nécessite aucune connaissance préalable et s’adresse à tous. Elle a pour objectif d’analyser les tenants et aboutissants de la flexisécurité érigée comme principe de la future loi travail.  

 

L’entrée est fixée à 5€ pour les personnes non inscrites au cycle de conférences économiques de l’UPT.

 

Renseignements et inscriptions auprès de l’UPT :

 

15 rue du Parc

57600 Forbach

  Tél : 03 87 84 59 67

Email : upt.vhs@wanadoo.fr

 

P.S. : l'image de ce billet provient de cet article du site La Croix

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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 18:54

 

 

Les ordonnances prises pour réformer le Code du travail prennent appui sur l’idée que pour lutter efficacement contre le chômage, il est nécessaire d’introduire davantage de flexibilité couplée à des mesures de soutien au retour à l’emploi des chômeurs. On obtiendrait alors la flexisécurité qui, selon le gouvernement, serait la seule organisation du travail à même de répondre aux défis de l’emploi à l’ère numérique.

 

Mais ce faisant, l’attention est portée uniquement sur les indicateurs chiffrés de l’emploi comme le taux de chômage et l’on néglige alors la dégradation des aspects qualitatifs du travail, pourtant si importants, tels que la précarisation croissante de l’emploi, le déclassement professionnel, le mal-être au travail et la perte de sens, l’augmentation des inégalités et le risque d’un passage à un modèle social individualiste…  

 

C’est pourquoi, afin d’analyser les tenants et aboutissants de la flexisécurité érigée comme principe de la future loi travail, je propose une conférence grand public, qui se tiendra à l’Université Populaire Transfrontalière (UPT) de Forbach (durée 1h30), le mardi 14 novembre à 19h, et aura pour titre La flexibilité va-t-elle permettre de faire baisser le chômage en France ?

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

 

La présentation se veut accessible à tous et ne nécessite aucune connaissance préalable. L’entrée est fixée à 5€ pour les personnes non inscrites au cycle de conférences économiques de l’UPT.

 

Renseignements et inscriptions auprès de l’UPT :

 

15 rue du Parc

57600 Forbach

  Tél : 03 87 84 59 67

Email : upt.vhs@wanadoo.fr 

 

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29 octobre 2017 7 29 /10 /octobre /2017 20:42

 

 

En cette période de confusion des idées, où certains vont jusqu'à enlaidir leur demeure aux couleurs morbides d'Halloween avant d'aller paradoxalement se recueillir le lendemain sur les tombes de leurs disparus, j'ai jugé utile de vous parler des idées zombies en économie après avoir écrit entre autres sur la perte de sens du travail, le déficit extérieur de la France et les baisses de salaires liées à la concurrence au sein de l'UE. Il s'agit donc aujourd'hui d'évoquer des théories qui, bien qu'ayant été infirmées empiriquement, continuent à être avancées comme des certitudes au point même de servir de substrat à des programmes politiques.

 

La théorie du ruissellement

 

Toute la politique économique d'Emmanuel Macron repose sur l'illusoire théorie libérale du ruissellement, selon laquelle il faudrait favoriser les plus riches afin qu'à terme tout le monde en profite. En effet, selon cette approche, si les riches ne sont pas entravés par trop de réglementations ou d'impôts, ils investiront et consommeront des biens et services, ce qui aura en fin de compte des répercussions positives pour toute l'économie, en particulier pour ceux (écrasés) qui sont tout en bas de la pyramide capitaliste.

 

Mieux, comme les riches ont une propension à épargner supérieure à celle des pauvres, tout surcroît de richesse leur servira à épargner plus ; et qui dit augmentation de l'épargne dit aussi augmentation de l'investissement selon la théorie néoclassique dominante, donc de la croissance et de l'emploi. 

 

 

[ Source : Mediapart ]

 

Curieusement, Bruno le Maire qualifiait lui-même cette théorie du ruissellement "d'ânerie" (ce qui est une vérité empirique et historique), ce qui ne l'empêche nullement de mener une politique économique (baisse de l'ISF, impôt forfaitaire sur les revenus du capital...) basée précisément sur cet a priori erroné...

 

Le théorème de Schmidt

 

Il s'agit d'un enchaînement popularisé par le chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt en 1974, qui lui vaut désormais le nom de théorème de Schmidt (sic !) : baisse des impôts et cotisations sur les entreprises => hausse des marges => hausse de l'investissement => hausse des emplois.

 

Sauf que ce théorème n'a que très rarement fonctionné dans nos économies, en particulier parce qu'il escamote tout l'apport keynésien sur la demande anticipée : une entreprise qui n'a pas de visibilité à moyen terme n'investit pas ! La France en a fait l'amère expérience depuis le tournant de la rigueur en 1983, où pour reconstituer les marges des entreprises les gouvernements ont préféré sacrifier les salariés, ce qui n'a évidemment pas débouché sur la hausse espérée de l'investissement productif.

 

Au contraire, on assiste à une hausse de la détention de cash (actifs monétaires et financiers) par les entreprises, qui termine le plus souvent dans le rachat d'actions pour gonfler artificiellement les cours de Bourse, comme c'est manifestement le cas aux États-Unis :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Enfin, faut-il rappeler que l'investissement n'est pas nécessairement générateur d'emplois, notamment lorsqu'il consiste à remplacer des outils obsolètes ou à rationaliser les coûts. Il n'en demeure pas moins que ce théorème de Schmidt reste à la base de la politique de l'offre, qui consiste à réduire les prélèvements supportés par les entreprises, afin d'améliorer leur compétitivité-coût et ainsi relancer l'investissement privé et donc l'emploi. Cette politique s'appuie par conséquent sur la réduction des dépenses publiques et la flexibilisation du marché du travail, dont on sait pourtant qu'elle est déjà importante en France et qu'elle est loin d'être source de croissance. Toute ressemblance avec la politique économique menée par Emmanuel Macron n'est à l'évidence pas fortuite...

 

La courbe de Laffer

 

Il s'agit d'une vague intuition, que certains historiens de la pensée économique font remonter au XIVe siècle, sur le lien entre taux d'imposition des ménages et montant des recettes fiscales perçues par l'État. Elle n'est au fond que la traduction du célèbre adage "trop d'impôt tue l'impôt", que l'on retrouve chez de nombreux auteurs économiques comme Adam Smith ou Jean-Baptiste Say. Mais c'est la schématisation en courbe en U inversée, donnée par Arthur Laffer à la fin des années 1970, qui rendit cette intuition médiatique :

 

 

Très simple à comprendre et suffisamment consensuelle pour attirer les électeurs de toutes obédiences, la courbe de Laffer figura dans de nombreux programmes politiques - mais de plus en plus souvent elle ne concernait que les impôts des entreprises - depuis le tournant néolibéral du début des années 1980. En particulier, Ronald Reagan en prit prétexte pour baisser la pression fiscale aux États-Unis dès le début de son mandat, avec pour résultat catastrophique une forte hausse du déficit public :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

On croyait alors la courbe de Laffer enterrée pour de bon, car aucune étude économique sérieuse menée sur la question ne démontre l'existence d'une telle courbe, ni d'un côté de l'Atlantique ni de l'autre. Mais comme toute idée zombie, elle n'a cessé de polluer les campagnes politiques suivantes tant aux États-Unis qu'en Europe, que ce soit chez Donald Trump, François Fillon ou Emmanuel Macron. Il est d'ailleurs très inquiétant de s'apercevoir que, quel que soit le nom de Président, l'idéologie économique qu'il apporte dans ses cartons est toujours la même, confirmant au passage les pires craintes que nous économistes atterrés exprimons sur la pensée unique en économie déclinée dans le slogan TINA (There is no alternative, ce qui signifie en bon français qu'il n'y a pas d'autre choix). 

 

Dans les deux cas, la croyance est que l'on se trouve du côté droit de la courbe ci-dessus, c'est-à-dire que la pression fiscale est devenue dissuasive et pèse donc sur les rentrées fiscales de l'État. Dès lors, il suffirait de baisser la pression fiscale sur les entreprises pour que la relance de l'activité correspondante permette une augmentation des ressources fiscales de l'État. Autrement dit, le déficit public qui résulterait d'abord de la baisse du taux d'imposition serait entièrement compensé par les nouvelles recettes fiscales liées à la hausse de l'activité, ce qui revient à supposer que le multiplicateur budgétaire est très élevé, probablement le double de ce qu'il est actuellement...

 

Curieusement, tous ceux qui sont heureux des baisses d'impôts annoncées par Emmanuel Macron oublient un peu vite cette réalité du déficit public, alors que ce sont les mêmes qui vouent la dette publique aux gémonies... Décidément, par les temps qui courent, l'attaque des zombis économiques est un film à la mode !

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19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 11:03

 

 

Le titre de ce billet est un brin provocateur, puisque tout le monde (enfin je l'espère) connaît la réponse. Et pourtant, un sentiment diffus de confiance s'est emparé des marchés actions, qui voguent de sommets en sommets alors même que l'économie réelle n'est encore que convalescente et que le travail est ravagé par la perte de sens...

 

Évolution des indices boursiers

 

Tout d'abord, rappelons que l’indice CAC 40 – calculé toutes les 15 secondes – regroupe les actions des 40 sociétés les plus capitalisées de la Bourse de Paris (Airbus, Carrefour, Orange, Total…) et permet ainsi de suivre l’évolution tendancielle du marché des actions sur la place de Paris. Le graphique ci-dessous nous montre que depuis la crise de 2008, le marché des actions en France a régulièrement progressé et tutoie à nouveau les sommets :

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

Aux États-Unis, pays d'où est partie la crise, l'évolution est encore plus impressionnante pour l'indice S&P 500 :

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

On croirait même qu'il n'y a jamais eu de crise en 2007...

 

Évolution des bénéfices des entreprises du CAC 40

 

Rien qu'au premier semestre de cette année, les bénéfices des entreprises du CAC 40 ont bondi de plus de 25 % pour atteindre 52 milliards d'euros contre 41 milliards l'année dernière au même moment !

 

 

[ Source : Les Échos ]

 

En matière de dividendes, on obtient cela :

 

 

[ Source : Les Échos ]

 

Une bulle en formation (aux États-Unis) ?

 

Bref, au royaume des boursicoteurs tout semble allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf qu'à ces niveaux de valorisation des actions, il devient difficile d'imaginer encore une forte progression, d'autant que l'économie réelle américaine n'est pas au diapason. En effet, la croissance des États-Unis ralentit et il est probable que l'économie américaine ait déjà atteint le haut de son cycle, comme le montre le tassement des commandes de biens durables, le recul de la construction immobilière, etc.

 

De plus, les profits des entreprises américaines après taxes, intérêts et dividendes reculent, ce qui est à l'évidence très défavorable aux cours des actions :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Il semblerait que les cours des actions aux États-Unis soient tirés par les rachats et acquisitions, ce qui laisse alors à penser qu'on est face à une bulle sur les actions. C'est ce que montre d'ailleurs le ratio de Shiller, qui divise la valorisation boursière par les bénéfices des entreprises, corrigé du cycle économique. Une étude menée par Michael Hartnett et Jared Woodard chez Bank of America Merrill Lynch, montre par ailleurs que la capitalisation boursière totale rapportée au PIB atteint également des sommets inquiétants :

 

 

[ Source : BofA Merrill Lynch ]

 

Cette exhubérance boursière, qui s'explique certainement en grande partie par la politique monétaire ultra-accommodante (taux d’intérêt très bas, quantitative easing) menée par la Fed, démontre que l'économie financière se déconnecte de plus en plus de l'économie réelle ! On ne peut donc que rappeler la justesse des propos du Général de Gaulle : "la politique de la France ne se fait pas à la corbeille". Pourtant, les dirigeants politiques de toute obédience s'acharnent à vouloir rassurer les marchés financiers, tant ils en sont devenus volontairement dépendants en leur donnant les rênes du pouvoir économique !

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10 octobre 2017 2 10 /10 /octobre /2017 12:49

 

 

Hier s'est ouverte la 14e édition de la Semaine pour la qualité de vie au travail, organisée par l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (Anact), sur fond de réforme du Code du travail. Or, derrière les beaux discours qui font de la future loi travail un instrument du progrès, toutes les questions de qualité du travail, de déclassement, de perte de sens, de souffrances au travail sont tout simplement escamotées. Ce sont pourtant-là les points les plus importants d'une réforme sérieuse du marché du travail, car certains semblent oublier d'une part que les salariés sont avant tout des êtres humains et d'autre part que la santé et la qualité de vie au travail comptent beaucoup dans l'efficacité productive !

 

La future loi travail

 

Emmanuel Macron a choisi de réformer casser le Code du travail par ordonnances :

 

 

[ Source : JDD ]

 

Dans les détails, les principales réformes sont les suivantes :

 

 

[ Source : France Culture ]

 

La flexisécurité

 

La flexisécurité, maître mot de cette réforme, désigne une forme d'organisation du marché du travail qui cherche à concilier la flexibilité souhaitée par les employeurs avec la sécurité désirée par les travailleurs. Elle associe par conséquent faible protection des emplois (=flexibilité) et soutien au retour à l’emploi des chômeurs (sécurité).

 

Hélas, au vu de la situation sur le front du chômage, qui affaiblit fortement la capacité de négociation des travailleurs, il est désormais assez simple d'obtenir la flexibilité par une réduction de la protection de l'emploi, une réduction des coûts de licenciements par le plafonnement des indemnités prud'homales, des négociations salariales ramenées au niveau de chaque entreprise, etc.

 

La future loi travail évoqué ci-dessus s'inscrit clairement dans cet objectif de flexibilisation, même si la communication gouvernementale n'a de cesse de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes. En effet, au lieu d'avouer que le but poursuivi est à l'évidence l'augmentation des profits au travers de la précarisation (flexibilisation), le gouvernement ne cesse de mettre en avant les nouvelles possibilités de négociations au sein des entreprises, négligeant de la sorte la réalité des rapports de force dans le monde du travail. Le contrat de travail n'est pas un simple contrat d'association entre égaux, mais bien un contrat de subordination entre un employeur et un employé. Mais il est tellement plus simple d'instiller l'idée d'un monde apaisé où tous les salariés ne seraient au fond que des collaborateurs de leur patron...

 

Bien entendu, une fois obtenu très rapidement l'avers flexibilité de la pièce flexisécurité, le verso sécurité est beaucoup plus long à mettre en oeuvre (s'il l'est jamais...), ce qui ne manquera pas de créer beaucoup de chômage dans l'intermède, d'autant que la question de la faiblesse du niveau de gamme en France par rapport aux coûts de production reste pendante...

 

La flexisécurité est donc un excellent moyen de réduire le taux de chômage, mais au prix d'une omerta sur toutes les questions de qualité de l'emploi, de déclassement professionnel et de mal-être au travail !  On notera à ce propos l'excellente tribune dans le Monde de Marie Wierink, chercheur à l'IRES, qui montrait que les réformes du marché du travail aux Pays-Bas, très proches de celles dont rêve Macron, ont eu un bilan désastreux...

 

Des opposants de plus en plus nombreux

 

Au début de l'été, le gouvernement laissait entendre qu'une majorité de Français souhaitaient cette réforme du travail. Ce faisant, il oubliait un peu vite que si Emmanuel Macron a été élu président de la République, il l'a été avec seulement 24 % des exprimés au premier tour, talonné de très près par des candidats tant de l'extrême gauche, que de la droite et de l'extrême droite. Bref, contrairement à la petite histoire que l'on nous serine, Macron n'a pas été porté par une ferveur populaire...

 

Quant aux élections législatives, l'abstention (déjà très présente au second tour de l'élection présidentielle) démontre par l'absurde l'existence d'un (re)sentiment diffus à l'égard d'un mode de fonctionnement électoral qui fait la part belle au vainqueur et ne laisse que des miettes aux autres candidats. Mais emportés par une vague de passion collective dont Simone Weil nous montrait tout le danger, les rares électeurs semblaient prêts à voter pour n'importe quel candidat affublé de la couleur orange LREM, quitte à oublier la loi El Khomri, simple préfiguration de l'horreur de la prochaine loi travail. Ils ne semblaient même plus se souvenir que le député, bien qu'élu dans une circonscription, est un représentant de la nation et donc qu'il n'a pas vocation à oeuvrer au niveau local (sauf pour sa réélection...) mais bien à voter les lois !

 

Mais depuis, le réveil a été douloureux, car passée l'euphorie estivale les cigales ont bien été contraintes de revenir à la noire réalité. Rien d'étonnant donc à ce qu'un sondage Harris Interactive pour LCP montre que l'opposition à la réforme du travail a augmenté sensiblement depuis l'été pour atteindre désormais 65 % des sondés !

 

 

[ Source : Harris interactive ]

 

La perte de sens et le mal-être au travail

 

À force de n'évoquer le chômage que sous l'angle de son taux, on finit par occulter toutes les questions de qualité de l'emploi et de déclassement professionnel, qui expliquent le malaise grandissant ressenti par les salariés ravalés au rang de simples exécutants numérotés d'un programme d'ensemble voué tout entier à l'efficacité, c'est-à-dire prosaïquement au rendement. C'est ce que montre l'excellente enquête d'Élise Lucet consacrée à l'univers impitoyable du travail, qui n'est alors plus que la déclinaison moderne de l'instrument de torture tripalium :

Mais il ne faudrait pas en déduire que la malaise ne touche que les salariés peu qualifiés. Au contraire, l'introduction des méthodes de management des entreprises privées dans les services publics a déjà fait d'énormes dégâts les dernières années, en particulier dans le monde de la santé soumis à des ratios de rendement qui font fi de l'humain... alors même que l'humain est à la base de ces professions !

 

Dans le documentaire ci-dessous, diffusé il y a peu sur Arte, on voit combien la souffrance à l'hôpital affleure tant du côté des soignants que des soignés, au point de faire de ce huis clos le lieu où s'exprime un état d'urgence ignoré par le politique et où la perte de sens du travail risque de faire sombrer un personnel déjà débordé... On notera que face au mal-être grandissant des soignants, la réponse apportée par la direction de l'hôpital est à l'image du management d'une entreprise privée : audit confié à une société extérieure, réunionite aiguë pour brasser du vent, pour finalement perdre de vue au fur et à mesure la véritable nature du problème au profit d'une simple recherche d'efficacité dans le fonctionnement. Face à tant de mépris, la seule réponse après les arrêts maladie (épuisement, burn-out, ou quel que soit le nom qu'on lui donne) reste hélas la violence verbale et physique...

La société est donc devenue malade de la gestion, pour reprendre un titre d'un excellent livre de Vincent de Gaulejac, ce qui signifie qu'il existe un projet politique visant à confier aux bons soins de la logique de marché des pans entiers de notre société qui devraient normalement lui échapper. Tel est le cas de la médecine, de l'instruction, etc. qui font désormais leur entrée dans la guerre économique où s'expriment avant tout les intérêts particuliers financiers et narcissiques.

 

Quelques indicateurs chiffrés

 

Une étude menée en 2014 par le cabinet Technologia a conclu que 3,2 millions d'actifs occupés seraient en situation de travail excessif et compulsif, ce qui pourrait conduire au burn-out :

 

 

[ Source : Technologia ]

 

Un indice du bien-être au travail (IBET), compris entre 0 et 1, a été créé par le groupe de prévoyance Apicil et le cabinet de conseil en RSE Mozart Consulting, afin de chercher à chiffrer l'évolution du climat social au sein d'une entreprise en tenant compte des arrêts maladie, de l'absentéisme, du stress, des démissions, des retards, de l'épuisement... En 2017, l'IBET de la France s'établit à 0,75, ce qui signifie une perte de valeur ajoutée de 25 %.

 

 

[ Source : APICIL ]

 

Selon les résultats de l'IBET 2017, le coût global du mal-être au travail serait de 12 600 € par an et par salarié :

 

 

[ Source : APICIL ]

 

Hélas, de ces problèmes il n'est évidemment pas question dans la future loi travail, d'autant que le compte pénibilité sera réduit à sa portion congrue. Le gouvernement considère certainement, à tort, que l'accord national interprofessionnel de 2013 - qui fait de la qualité de vie au travail un sujet du dialogue social - et la loi Rebsamen de 2015 suffisent pour répondre à cette vaste problématique. Des mots pour répondre à des maux ?

 

En tout état de cause, le travail version Macron, relégué à une simple mobilisation du capital humain, continuera à perdre sa signification sociale jusqu'au jour où il sera passé par pertes et profits dans le bilan de France SA !  L'ubérisation sera alors érigée en unique programme de société, mais ses dégâts seront bien cachés dans un premier temps derrière le faux nez des start-up triomphantes, avant que l'édifice précaire et précarisé ne s'effondre d'un tenant. 

 

La novlangue du management

 

Pour faire oublier les graves problèmes que rencontrent les salariés et les non-salariés au travail, l'une des méthodes consiste à en dénier la réalité par la création d'une novlangue positive. Ce faisant, l'on gomme toutes les aspérités pour ne conserver que des termes vides de sens :

 

        Avant on disait...              Maintenant on dit...
EmployéCollaborateur
licencierRemercier
Être au chômageÊtre en transition professionnelle
Mon chefMon N+1
Rendre compteFaire un retour
Le personnelLes ressources humaines

 

Vous noterez que pour donner le sentiment d'une normalité à ces mots, c'est-à-dire renforcer l'illusion que tout le monde les utilise dans le monde et donc qu'ils correspondent à une réalité tangible, ils sont le plus souvent écrits en anglais :

 

En français on disait...En franglais on dit...
le plus tôt possible                  ASAP                    
Diriger une entrepriseManager une business unit
RéfléchirBrainstormer
Voir ce que font les concurrentsBenchmarker

 

En définitive, si l'on n'y prend garde, la perte de sens et la souffrance au travail vont finir par atteindre des seuils insoutenables, que même les mots creux du management et les beaux discours ne pourront plus cacher. Mais le taux de chômage sera au plus bas et certains politiques considéreront que c'est déjà bien assez... Au fond, la régression aura été poussée tellement loin, que nous aurons fait un bond d'un siècle en arrière et certains ne manqueront pas de qualifier cette évolution de progrès ! Triste et cynique à la fois...

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28 septembre 2017 4 28 /09 /septembre /2017 13:58

 

 

J'ai souvent évoqué sur ce blog l'énorme excédent commercial allemand et celui de la zone euro, sujets au demeurant très proches. Mais aujourd'hui, après un précédent billet consacré à la concurrence mortifère au sein de la zone euro, nous allons nous focaliser sur le déficit commercial de la France en nous appuyant sur les chiffres de l'année 2015, publiés par l'INSEE en mars 2017.

 

Quelques définitions utiles

 

La balance commerciale est  le compte qui retrace la valeur des biens exportés et la valeur des biens importés sur la base des statistiques douanières. Le solde du commerce extérieur est la différence entre la valeur des exportations et celle des importations. Si celui-ci est positif on parle d'excédent commercial, sinon il s'agit d'un déficit commercial.

 

Le taux de couverture du commerce extérieur est le rapport entre la valeur des exportations et celle des importations :

 

 

* lorsque le taux de couverture est inférieur à 1, la balance commerciale est déficitaire ;

 

 * lorsque le taux de couverture est égal à 1, la balance commerciale est équilibrée ;

 

 * lorsque le taux de couverture est supérieur à 1, la balance commerciale est excédentaire.

 

Notons que la balance commerciale, et donc le taux de couverture, peut être relative à un produit ou à l'ensemble des échanges de produits. Contrairement à d'autres pays, en France la balance commerciale ne couvre que les biens, les services étant pris en compte dans la balance des invisibles.

 

Le déficit commercial de la France

 

Commençons par ce graphique qui présente l'évolution du solde commercial de la France depuis 1950 :

 

 

[ Source : INSEE - Tableau de l'économie française 2017 ]

 

La France fait donc face à un déficit commercial depuis 2004, ce qui signifie par conséquent qu'elle importe plus de biens qu'elle n'en exporte. Autrement dit, son taux de couverture est inférieur à 1, comme le montre le graphique suivant :

 

 

[ Source : INSEE - Tableau de l'économie française 2017 ]

 

Pour finir, le graphique ci-dessous présente le solde de la balance commerciale pour plusieurs pays de l'UE. Il faut néanmoins rester prudent sur l'interprétation de ces chiffres, puisqu'ils ne tiennent pas définition pas compte des services et ne permettent certainement pas de conclure qu'en Allemagne tout va bien et qu'à l'inverse au Royaume-Uni tout va mal, comme je l'expliquais dans mon livre Mieux comprendre l'économie : 50 idées reçues déchiffrées.

 

 

[ Source : INSEE - Tableau de l'économie française 2017 ]

 

La structure géographique du déficit commercial de la France

 

Ce qui compte vraiment, c'est le solde des biens et des services, mais plutôt hors énergie, puisqu'en l'état actuel des choses la France est contrainte d'importer le pétrole nécessaire à l'activité.

 

 

[ Source : INSEE ]

 

Sur la période 1998 - 2016, l'on obtient l'évolution suivante :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Ainsi, le déficit extérieur de la France (biens + services) hors énergie se dégrade tendanciellement en particulier pour le secteur de l'industrie, alors même que l'euro s'est déprécié contre le dollar sur cette période, ce qui aurait dû soutenir les exportations françaises dans la mesure où plus de 50 % des exportations de la France sont faites avec des pays hors zone euro.

 

Le tableau ci-dessous montre, quant à lui, que le solde extérieur est négatif notamment pour les biens d'équipement, les biens de consommation et le matériel de transport, ce qui démontre les problèmes de compétitivité-coût de nos entreprises industrielles au vu de leur niveau de gamme.

 

 

[ Source : INSEE - Tableau de l'économie française 2017 ]

 

La structure géographique du déficit commercial de la France

 

En 2015, selon l'INSEE, les principaux déficits bilatéraux de la France sont avec les pays suivants :

 

 

[ Source : INSEE - Tableau de l'économie française 2017 ]

 

Mais la France réalise aussi des excédents bilatéraux parfois importants, notamment avec le Royaume-Uni, que la France ne cesse pourtant de houspiller depuis sa volonté de mettre en oeuvre le Brexit :

 

 

[ Source : INSEE - Tableau de l'économie française 2017 ]

 

Les graphiques ci-dessous confirment que l'essentiel du déficit extérieur des biens et services hors énergie sur plus longue période se fait vis-à-vis des autres pays de la zone euro et de la Chine :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Pour faire face à ce solde extérieur structurellement déficitaire sur les biens industriels, soit il faut baisser les coûts de production ce qui revient hélas à baisser les salaires (avec son lot de flexibilisation et de misère dont j'ai parlé ici et ), soit il faut chercher à monter le niveau de gamme de la production afin de s'affranchir des questions de prix et se focaliser sur la qualité.

 

Hélas, la deuxième option prend du temps, beaucoup de temps, et pendant ce temps les problèmes de compétitivité, largement sans solution en l'état actuel (voir cet article), emportent nos industries corps et biens (âmes ?). D'où la question d'une sortie de l'euro souvent évoquer pour retrouver des marges de manoeuvre...

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18 septembre 2017 1 18 /09 /septembre /2017 11:00

 

 

N'en déplaise à certains qui veulent à tout prix se persuader que la zone euro va bien, les nuages noirs ne cessent de s'accumuler pour la bonne raison que l'idéologie qui sous-tend les choix économiques ne pense l'économie qu'au travers du prisme de la concurrence plus ou moins parfaite.

 

C'est pourquoi, après une série de billets sur les principaux problèmes rencontrés par l'économie européenne (les scandales en cascade à la Commission, la crise bancaire imminente, la réalité du travail détaché au sein de l'UE, les conséquences du passage à une économie de service, la segmentation des marchés financiers européens, le retour de la crise grecque, la fin du mythe économique allemand, l'énorme excédent extérieur de la zone euro, les problèmes de compétitivité-coût au sein de la zone euro et  la sortie de l'euro) nous allons aujourd'hui remonter à la racine du mal...

 

La concurrence érigée en principe cardinal

 

Dès l'origine, en 1957, le Traité de Rome disposait :

 

 * article 85 : "Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ;

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ;

c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;

d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;

e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats" ;

 

 * article 110 : "En établissant une union douanière entre eux, les États membres entendent contribuer, conformément à l'intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières. La politique commerciale commune tient compte de l'incidence favorable que la suppression des droits entre les États membres peut exercer sur l'accroissement de la force concurrentielle des entreprises de ces États" ;

 

 * article 112 : "Sans préjudice des engagements assumés par les États membres dans le cadre d'autres organisations internationales, les régimes d'aides accordées par les États membres aux exportations vers les pays tiers sont progressivement harmonisés avant la fin de la période de transition, dans la mesure nécessaire pour éviter que la concurrence entre les entreprises de la Communauté soit faussée".

 

Aujourd'hui, c'est encore plus clair, puisque l’article 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) confère une compétence exclusive à l’Union européenne en matière d’établissement des règles de concurrence. C'est précisément ce que l'on appelle la politique de concurrence de l'UE et qui part d'un principe vicié comme on peut hélas le lire sur le site de la Représentation française auprès de l'UE : "dans une économie de marché, la concurrence est la situation dans laquelle les acteurs peuvent librement échanger. Dans ce cadre, la politique de concurrence est un moyen d’accroître les richesses et d’atteindre un niveau de prix optimal". Pas un mot sur le bien-être de ceux qui créent ces richesses au sein des entreprises, des administrations ou ailleurs...

 

Bien entendu, nul n'est contre une certaine dose de concurrence afin d'éviter lorsque c'est nécessaire les monopoles et oligopoles, bref les pouvoirs de marché, mais faut-il pour autant créer les conditions de la guerre de tous contre tous ? Entre les deux extrêmes il y a de la marge...

 

Maurice Allais et le "laissez-fairisme"

 

Pour comprendre combien ce principe de libre-concurrence est réputé indiscutable au sein de l'Union européenne, il suffit de garder à l'esprit que Maurice Allais, grand économiste titulaire du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel, n'a quasiment jamais été appelé à s'exprimer dans les grands médias depuis qu'il dénonçait les méfaits de cette politique de libéralisation à outrance basée sur la concurrence parfaite.

 

Seul le journal l'Huma lui avait concédé une longue et pertinente entrevue publiée pendant la campagne pour la Constitution européenne de 2005, qui mérite vraiment le détour. En effet, il expliquait avec brio comment le mot libéralisme est devenu synonyme de "laissez-fairisme" et pourquoi le projet de Constitution européenne (rejeté par référendum en France), en fait de protéger contre les excès du libéralisme, "institutionnalise la suppression de toute protection des économies nationales de l’Union européenne". Avec pour résultante la destruction de l'industrie et le chômage de masse !

 

Anticipant la réalité de ce que serait la concurrence commerciale avec des pays à très faibles coûts de la main-d'oeuvre comme la Chine ou l'Inde, Maurice Allais rappelait fort à propos qu'une "mondialisation généralisée des échanges, entre des pays caractérisés par des niveaux de salaires très différents aux cours des changes, ne peut qu’entraîner finalement partout, dans les pays développés, chômage, réduction de la croissance, inégalités, misères de toutes sortes. Elle n’est ni inévitable, ni nécessaire, ni souhaitable". Il ajoutait même que la mondialisation ne profitait au fond qu'aux multinationales, ce que nombre de chefs de petites entreprises ont depuis compris à leurs dépens.

 

Quant à ceux qui répétaient déjà en ce temps-là (2005) que la France n'a pas d'avenir sans l'UE, Maurice Allais répondait de manière intelligente : "il est bien certain que la France ne peut avoir d’avenir que dans le cadre européen, mais ce cadre ne saurait se réduire ni à la domination illimitée et irresponsable des nouveaux apparatchiks de Bruxelles, ni à une vaste zone de libre-échange mondialiste ouverte à tous les vents, ni à une domination de fait des États-Unis, eux-mêmes dominés par le pouvoir plus ou moins occulte, mais très puissant, des sociétés multinationales américaines". Le nouveau président de la République française, tout acquis à la mondialisation heureuse, devrait peut-être prendre le temps d'y réfléchir...

 

En tout état de cause, on comprend mieux pourquoi un libéral comme lui s'est attiré très vite les foudres des docteurs Diafoirus de la concurrence...

 

La concurrence par les coûts et la fiscalité au sein de la zone euro

 

Naguère, les problèmes de compétitivité-coût entre nations se réglaient par des dévaluations, bref par des modifications des prix extérieurs liés aux taux de change. Le passage a une monnaie unique ne permet évidemment plus d'utiliser cet instrument de politique économique, bien que les différentiels de compétitivité demeurent très importants entre les États membres de la zone euro. La meilleure solution pour corriger l'hétérogénéité des économies de la zone euro consisterait à disposer d'un mécanisme de transferts de revenus entre États, ce qui revient à parler de fédéralisme européen, c'est-à-dire de l'Arlésienne.

 

Dès lors, l'absence d'ajustement par les taux de change oblige dans les faits les gouvernements à pratiquer des dévaluations internes lorsque leur balance extérieure est trop déséquilibrée. Cette dévaluation interne, ou ajustement nominal, consiste en une baisse de coûts salariaux et des prix dans le but d'améliorer la compétitivité d'un pays. En théorie, comme les prix et les salaires baissent parallèlement, les salaires réels ne varient pas et la compétitivité s'améliore à l'export. Mais, ce remède de cheval, contrairement aux attentes, conduit le plus souvent à l'effondrement de la demande des ménages en raison de la baisse des salaires réels. Cela débouche alors sur une compression de l'activité et donc sur une hausse du chômage.

 

En résumé, l'ajustement par les coûts de production (graphique 1) et la fiscalité (graphique 2 et 3) s'est substitué à celui par les taux de change, ce qui est bien entendu non coopératif au sein de la zone euro.

 

Graphique 1

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Graphique 2

 

 

[ Source : Challenge ]

 

Graphique 3

 

 

[ Source : Challenge ]

 

Ce que les partisans de la concurrence libre, qui sont aussi souvent les mêmes qui réclament la libéralisation à outrance et la flexibilité (flexisécurité de manière méliorative), omettent de préciser, c'est que tout cela aura à terme des conséquences graves sur l'économie française. En effet, s'il s'agit d'abaisser la fiscalité dans le cadre d'une course à l'échalote et de réduire les coûts de production pour être compétitifs face aux pays comme l'Espagne qui ont des niveaux de gamme proches des nôtres, alors il faudra compter avec des baisses de salaire de l'ordre de 15 % en France et des baisses de dépenses publiques de plus de 5 % ! Je souhaite beaucoup de bonheur au gouvernement pour annoncer cela aux salariés français...

 

Pourtant, afin d'éviter la dépression dans la zone euro, il suffirait d'un minimum de coordination entre les politiques économiques des États membres lorsqu’elles génèrent des externalités comme c'est le cas de la fiscalité. Hélas, à l'ère du chacun pour soi à moins que ce ne soit l'ère du vide, les États européens, pourtant si prompts à donner des leçons dans le monde, ont délibérément choisi de s'engager dans une concurrence fiscale les uns avec les autres au point même de monter les salariés les uns contre les autres au niveau européen dans le cadre du détachement.

 

En définitive, le rêve d'une zone euro construite sur la solidarité entre les peuples s'écrase une nouvelle fois contre le mur de la réalité économique. Flexibilité et concurrence à outrance sont les deux mamelles du dogmatisme qui va tirer par le fond nos entreprises et conduire à la misère salariale. Mais bien entendu, il n'est pas question de modifier une politique qui donne d'aussi mauvais résultats, puisque pour l'instant quelques multinationales en profitent !

 

P.S : l'image de ce billet provient de ce blog : http://blog.octo.com

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